Depuis
l’école maternelle, on ne parlait jamais de Maud sans y
associer Jean, le petit voisin, le petit copain, autant dire
que l’on ne se quittait jamais.
Il y eut pourtant une séparation le jour où le papa de
Jean fut obligé de se rapprocher de son lieu de travail.
C’est par un triste jour d’octobre que nous nous
sommes séparés et notre“au revoir” avait un
pressentiment “d’adieu.” Nos chemins étaient désormais
distants de 80 kilomètres.
On promit de s’écrire, mais à 8 ans, on promet et les
jours et les années passent... Vite.
Pour
mon confort familial, après la naissance de mon deuxième
garçon, on déménagea.
Parmi les formalités qu’exigent un changement
d’adresse, il y eut le transfert du carnet de chèques .
C’est ainsi qu’au milieu des cartons, un matin,
j’ouvris la porte au facteur du quartier.
Je l’accueillis avec mon sourire habituel, mais mon visage
s’assombrit quand le Monsieur à la casquette me dit :
“Je
dois remettre ce carnet à MONSIEUR, je ne peux pas vous
autoriser à signer à la place de votre mari !”
Vexée,
je lui répondit :
“
Avant de venir ici, mon mari et moi étions voisins et amis
avec Armand Heurtier, le facteur des colis, si vous voulez
prendre des renseignements sur nous, ne vous gênez pas !”
Aussitôt, le facteur, ajouta :
“Tu
ne te souviens plus que nous aussi, nous avons été amis !”
et par cette intonation je retrouvais vite les traits
enfantins de son petit voisin. J’ai bafouillé :
“Vous
êtes... Tu es... Jean ?” Il répondit :
“Je
savais par Armand que je te retrouverai dans ma “tournée”,
excuses-moi si je t’ai fait “marcher”, moi, je savais
qui tu étais, mais je t’aurai reconnu, malgré les années
passées. Combien : 25, 30 ?”
En effet, 30 ans s’étaient écoulés et lui aussi s’était
marié et avait un petit garçon de deux ans.
A ce moment, ce fut un pêle-mêle de souvenirs qui se
bousculèrent dans nos têtes jusqu’à l’arrivée de mon
mari qui put, enfin, faire la connaissance de cet ami dont
je lui parlais chaque fois qu’un petit vent de mélancolie
me rappelait le passé !
Pour
ne pas contrarier l’organisme des P.T.T, c’est Monsieur
qui signa le registre, dans un grand éclat de rire.
A
partir de ce jour, chaque fois qu’un souvenir lui
revenait, il montait frapper à ma porte et là se sont deux
amis de huit ans qui se retrouvaient pour se replonger dans
leurs souvenirs d’enfance.
Hélas,
un jour, pour lui, la maladie prit le dessus et il y eu un
« Adieu » définitif.
Au
fond de mon cœur, son souvenir est intact et maintenant la
vue d’une lettre fait remonter en moi un regain de
nostalgie.
MAUD .