Quand
je mis les pieds sur le sol, ce vendredi 27 mai, mon
premier travail fut de préparer le texte que je voulais
offrir à Yves pour nos 1O mois de connaissance. Le titre
était facile à trouver :
“Dis-moi!”
“Il y a
10 mois, je disais “bonjour” à une voix amie...
Comme
peut l’être une compagne des ondes;
Et quand
je pense au chemin parcouru, quelle ronde!
Aujourd’hui,
j’ai accès dans les recoins de ta vie,
Là,
seulement où y est permit le nom d'amie.
Où nous
conduira cette ascension?
Dont
chaque jour accentue la progression.
Pour hier
et aujourd’hui...
Je te
dis” Merci” d’être entré dans ta vie.
Dis-moi
qu’il n’y aura jamais... d’adieu!”
Je ne
sais pas quel pressentiment m'avait poussé à écrire cette
dernière phrase. Pourtant...!
Ce
qui me parut bizarre, tout au long de sa matinée
radiophonique, c’est qu’il n’y eut aucune allusion
à notre complicité comme il savait si bien le faire!
J’attendis son retour pour fêter notre 27, et, à 14
heures, c’est un bien triste appel que je reçus. En
effet, Yves m’informait que désormais il ne fallait
plus que j’attende ses visites, qu’il n’éprouvait
plus le besoin de poursuivre nos relations et de toute façon,
sa vie continuait ailleurs que dans la région. Je n’eus
pas le temps de parler, le combiné lançait son “bip”
strident! Une seule solution s’offrait à moi, c’était
de redescendre sur terre! A ce moment, mes yeux se portèrent
sur son dernier cadeau:
Un
magnifique portrait de femme en étain et je me souviens
des mots qu’il avait prononcés, en me le donnant:
“J’ai
retrouvé en ce visage tout ce qui te caractérises. Tu es
ce portrait en réalité. Tiens, mon amie, pour nos neuf
mois de rencontre!” Et voilà que tout se terminait, sur
ces quelques mots cinglants.
Je
n’ai pas cherché à le rappeler. Mais bien souvent,
j’ai pris un bloc de papier et je remplissais les pages;
elles commençaient toutes par “pourquoi?”. Sans
adresse, je ne pouvais pas les envoyer. Je les ai toutes
gardées.
En voici
une :
LA LETTRE
QUE TU NE RECEVRAS JAMAIS.
Il y
avait pourtant du soleil le dimanche où le téléphone
retentit. Après avoir difficilement reconnue ta voix,
(moi qui ne connaissait qu’elle!) je compris que tu
venais me dire “adieu”. Pourquoi?
C’était
le remerciement de dix mois d’une intense amitié. Je
t'avais tout donné: tout ce que l’on peut donner à son
enfant pour le satisfaire. et qui après être rassasié
par vers un ailleurs, à la recherche d'autre... chose. Tu
m’avais tant gâté pendant nos longs dialogues en tête
à tête, je ne peux pas comprendre ton départ. Je ne te
demandais pas grand’ chose: ta présence de temps en
temps. Un appel pour un “bonjour”.
Tu savais
le mal que me provoquaient tes silences. Aujourd’hui,
mes larmes t'ont laissé indifférent. Quand tu as
raccroché, le “bip” du combiné a raisonné si fort
que j’ai le bruit encore dans les oreilles! Tout était
terminé! Plus jamais, je n’entendrais ta voix qui
pendant 300 jours avait répondu, sans contrainte à mes
questions. Je m'en veux de t’avoir si maternellement...
aimé. Mais je ne regrette rien. Là où tu es parti, ma
place a due être facilement remplacée. Je t’en supplie
ne donnes pas nos souvenirs! Je sais que moi, je garde ton
nom, dans mon cœur. Si un jour, tu as envie de revenir,
tu n’auras qu’un geste à faire, en venant sonner à
ma porte ou en faisant les chiffres qui séparent nos deux
voix. Ce jour-là sera le lendemain d’un “au revoir”
et non pas celui d’un “adieu”! Fais ce que tu veux,
sois heureux… sans ma peine. Elle n’est qu’à moi:
l’égoïste!
Une voix qui t’appelle ...
C’est
avec beaucoup d’émotion que j’ai repris ce texte pour
l’insérer maintenant dans les pages de ce livre.
Benoît
revint encore à la maison, lui aussi surpris par le
comportement de son copain, mais sans me fournir la
moindre explication. J’avais l’impression de lire dans
son regard :
“Gardes
le moral, moi, je suis là pour le remplacer.”
Un
jour, il me fit la surprise de me présenter une jeune
fille qu’il avait connu en Ardèche, sur son lieu de
vacances. Elle aussi était tombée sous le charme de sa
voix romantique. Tout de suite, un élan de sympathie nous
unit. On se découvrit beaucoup de points communs au
niveau des loisirs, de la cuisine, des artistes et surtout
quand elle m’avoua que nous avions un ami commun qui était
Yves Rongier. Il avait été son voisin et l’avait connu
quand il travaillait chez le cordonnier. Toutes ces
conversations autour de notre ami commun, agaçaient légèrement
Benoît. Au fil des jours, je vis le caractère de Benoit
changer. J’avais l’impression qu’il regrettait de
m’avoir fait connaître Mélanie. Je lui fis comprendre
que je restais très attaché à lui pour d’autres
raisons. L’amitié de Yves avait été une Je lui
rappelais le plaisir que me procurait ses spectacles quand
je me retrouvais à sa table ou au premier rang, pour être
le mieux placée; quand il me permettait de lui enfiler sa
veste de scène et avoir le privilège de l’embrasser
avant de monter sur scène. Mais hélas, il était trop
souvent sollicité. On lui avait promis tant de choses qui
n’ont jamais aboutit. Il avait bien besoin de notre
soutien, Mélanie par son amour et moi pour la partie
maternelle. Son plaisir restait ses passages sur les
podiums.
Le
soleil des vacances me permit d’oublier un peu cette
absence. La radio ne résonnait plus dans la maison. Je me
rendis à un ou deux galas pour ne pas trop peiner Benoît,
mais le cœur n’y était plus.
Un
jour, je reçus l’appel d’un animateur d’une radio
voisine qui avait entendu mes poèmes et qui désirait les
passer sur son antenne. Il me donnait accès au studio, à
l’heure que je voulais, mon heure lui accorderait
toujours. J’hésitais à donner une réponse. La voix
insista: “Dites oui, Maud, moi aussi je m’appelle
Yves!”
Mon
mari qui était à côté de moi me conseilla:
“Tentes
une nouvelle fois ta chance, si ça ne marche pas, tu
sais, maintenant, ce que c’est qu’une déception!”
Malgré cette tentative, ma passion pour le monde de la
radio s’amenuisait car, intérieurement, j’étais
toujours à l’écoute de cette voix qui m’avait fascinée,
un matin, sur les ondes... et que j’avais perdue.
J’appris par Benoît qu’Yves Roger se lançait dans la
radio estivale par l’intermédiaire d’un camping où
on lui proposait de réveiller les campeurs et de faire
les animations, le soir, sur un podium, pour la plus
grande joie de ces demoiselles. L’ami chanteur serait là
pour le côté romantique. C’était l’idéal pour
conjuguer travail et loisirs. Tout l’été, Yves devint
“cigale. Le gérant, content de lui, il lui proposa de
le suivre à Marseille où une radio locale était à la
recherche d’un bon animateur. C’est ainsi que Radio
Lotus perdit le compagnon des ménagères.
A
la rentrée de septembre, je gardai une oreille à l’écoute
de cette petite station, avec l’autre Yves qui sentait
bien que quoi qu’il fasse, il ne pourrait jamais
remplacer mon chouchou.
J’avais
pourtant accès aux portes du studio, quand je voulais, je
pouvais prendre l’antenne à tout moment pour un poème
ou un dialogue avec l’invité du jour. Mais, il manquait
l’autre voix à mon bonheur radiophonique.
Un
jour, une amie me confia qu’elle s’ennuyait pendant
ses heures de loisirs : Pour des raisons professionnelles,
elle était partie s’installer dans le sud de la France
et s’y sentait seule. Je lui dis, simplement :
“Écoute
la radio, et si tu as le plaisir d’avoir de l’autre côté
de ton transistor une” voix” qui s’appelle Yves, tu
seras comblée!” Arrivée à son domicile, elle mit mon
conseil en pratique et elle eut le plaisir de découvrir
un programme romantique, à souhait. Elle fut bercée,
pendant trois heures, par nos chanteurs les plus
charmeurs. Elle attendit le moment où l’animateur
prenait congé de ses auditrices et elle fut surprise
d’entendre :
“C’était
votre fidèle serviteur Yves Roger qui vous tenait
compagnie depuis 14 heures. Pour vous dire “au revoir”
c’est Claude François qui va m’aider. Voici un
message que j’adresse en particulier à une amie qui
malheureusement ne peut pas m’entendre, mais je sais
que, là où elle se trouve, elle pense la même chose que
moi: Claude...”Dis-lui pour moi !” Pardon pour mon émotion
et peut-être à demain.”
Pendant
que le disque passait à l’antenne, Soizic appela sa sœur:
“Maud
avait raison, “son” Yves anime Radio Star. Il vient de
lui offrir une chanson, avec des sanglots dans la voix.
Dis-le lui vite!”
La
commission fut faite. J’avais eu raison. Yves était
bien là où je l’imaginais.... Et il avait des sanglots
dans la voix pour faire son annonce! Il avait bien changé,
il m’avait toujours dit que s’il entendait un
animateur faire une dédicace personnelle dans son émission,
il le virerait aussitôt! Si lui venait de le faire, il
n’était plus :
Yves
Roger...!
Le
lendemain, quand Soizic alluma sa radio, Yves n’était
pas à l’antenne!
On
était le 15 novembre 1983.De quelle nature était cette
nouvelle “épine” qui venait de le piquer! Une de
plus. Et je n’étais pas à ses côtés!
A
la lecture des textes qui étaient rassemblés dans son
classeur: Spécial Maud”, j’ai puisé celui-ci:
A TOI.
Avec toi,
j’ai eu de bons moments
Ensemble
on a vécu un bonheur.
L’aventure
avait commencé au printemps,
J’avais
trouve un grand cœur.
Je croyais l’avoir, cette amitié et pourtant,
J’ai
tout effacé!
Un beau
matin, je suis parti,
Laissant
un souvenir sali.
Je
voudrais effacer de ma mémoire,
Ce que
fut vraiment pour moi... Ce cauchemar!
Mon amie,
ne soit pas si terrible,
Cette
absence me manque,
Elle est
horrible.
Pourquoi
ne me dirais-tu pas :
“bonsoir”,
Juste une
fois, dans mon rêve
Pour
oublier le...Noir!
A SUIVRE.