Chapitre 2


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LE MAL AIME

 

                                          Un après-midi  d’août, c’est  la  pauvre  grand-mère qui  décida  de faire  le  voyage  jusque  chez  sa  fille  pour  lui  annoncer que Yves, son  fils, était  en  âge d’aller à l’école  maternelle. 

Il  est  vrai  que  Pauline  n’avait  pas  vu  le  temps  passer.  Trop  occupée avec l’arrivée de Catherine, petite  sœur des  trois garçons !

Quand  elle eut  écouté  sa  mère, Pauline  lui  répondit :

“Fais  les  formalités  d’inscription  à  la  campagne, ici, tu    vois  bien  que  je  n’ai  pas  le  temps! “

Dans  un  soupir, elle  ajouta :

“ J’espère  que  maintenant  qu’il  a  sa  fille, René  va  me  laisser  tranquille; je  n’avais  pas besoin de “ça”  pour me compliquer  encore  la  vie ! “

Pendant tout  ce  temps, Yves était  resté  près  de  sa  grand-mère  épiant  du  regard  un  geste tendre  de  sa  maman.  Quand  elle  réalisa  qu’il  avait  tout  entendu, elle  le  prit      par  un bras  et  lui  montra  la  porte  qui  ouvrait  sur  le    jardin. Dès  que  le  petit  fut  arrivé  aux  milieu  des  massifs  de  fleurs, il  fut  attiré  par  une  branche  de rosier  et  son  réflexe  fut  de  l’attraper  à  pleines  mains. Aussitôt, les  épines  entrèrent  dans  la chair  tendre. L’enfant  regarda  tristement    le  sang  couler  sur  ses  doigts . Il  prit  son  mouchoir et  le  mit  sur ses  blessures, il  ne se plaindrait  pas car  il  se  ferait  gronder.  Sa  petite main, même guérie, garda des  cicatrices  qui  lui  rappelaient  sa  visite  chez  ses  parents.                                    

 Avec  ses  premiers  pas  à  l’école, Yves connut  d’autres  mésaventures  causées  par  la méchanceté  des  enfants. PEY...RARD ça  fait  un  jeu  de  mots  phonétiquement  rigolo...mais pas  pour  lui !  Souvent  au  moment  de  partir, une  larme  coulait  sur  sa  joue : il se demandait, anxieux, ce qui ferait rire ce jour-là ses camarades à son sujet. Il  imaginait  la  chose  qui  pourrait  l’empêcher  de  rejoindre son enfer.

 Un  matin, sur le chemin de  l’école, une voiture monta sur  le  trottoir et  faucha  l’enfant. On  transporta Yves à  l’hôpital, pour soigner d’abord  les  parties  visibles des  plaies. Docile, il se laissait panser. De  temps en temps une infirmière lui caressait le visage, mais  chaque  jour  une  lésion était décelée, ce qui  entravait le rétablissement  du  petit  blessé. Le petit lit d’hôpital était  devenu son seul univers. La présence de sa grand-mère  était  son seul soutien. Son  corps  grandissait. Des greffes  furent nécessaires, à intervalles réguliers.

Le  15  novembre  1970, le  gâteau  que  les  infirmières apportèrent à  leur  petit  malade  lui procura une grande joie. En  fin  d’année, Pauline vint annoncer à son fils, en  guise de cadeau :

“ Je  viens  te  dire  qu’à  partir  d’aujourd’hui  tu  t’appelles : Yves RONGIER “. Elle  regarda sa  mère et ajouta :

“ Depuis  la  naissance de Claude, René a voulu  que  ses gosses portent  son  nom.

Moi, je suis bien contente d’avoir  pu y  échapper! Si  tu  voyais  comme  il  est  heureux  au  milieu  de  ses  bouteilles de vin  et de ses boules de pétanque. Depuis  que nous sommes gérants à l’ Amicale, je n’ai plus un moment  à  moi ! Ce n’est  pas demain que je te reprends: celui - là “.  “Celui-là”, ce  fils qu’elle n’avait jamais tenu  dans ses bras. Se retournant vers en lui lançant un regard  froid, elle lui dit :

“ Oui , tu  as  encore  un  frère, je ne  sais pas quand tu le  verras, si ,au moins on savait quand  tu  quitteras ce lit !”    Pour  toute réponse, on  vit des larmes couler sur les joues du  petit. Toute  la  nuit, Yves répéta  dans sa tête: RONGIER, RONGIER.

Le  lendemain, il  eut  la  visite de l’aumônier, il  se  confia  à  lui, ayant  perdu  peu  à  peu  tous ses  repères. Dans ses  moments de solitude, il  se sentait lui aussi le désir de réconforter les  âmes en détresse. Dans sa tête, il se voyait   dans une mission entrain d’apaiser des petits affamés.

Pour le moment, c’était sa boite à musique qui le consolait de tout. Avec elle, quand il parlait dans le bois qui lui servait de micro,  il s’imaginait qu’il avait un compagnon qui l’écoutait.

Il lui faisait plaisir en fredonnait des chansons qu’il avait entendu par sa grand-mère.

Yves traversa toutes les  années qui conduisent un enfant vers l’adolescence sans amour maternel. Seule la grand-mère était  là ... Mais lasse de  tout  avoir  à  supporter.

Rares étaient les copains qui  voulaient  accueillir un handicapé  dans  leur groupe. Il se cantonnait dans sa solitude avec pour seule compagne une feuille de papier où il griffonnait ses états d’âme.

 

 LE MAL-AIME.

 Je veux crier ma dérision,

L’usage veut que je donne mes affirmations.

Je lutte pour un paradis

Et je ne sais pas ce qu’il me dit.

Il y des moments où il faut se retenir

A une certaine mélancolie pour revenir.

Les amis sont pleins de mensonges,

Pourtant il doit bien exister de vrais songes.

L’orage est dans mes yeux, Le tonnerre dans les cieux

et les éclairs font les charmeurs.

Tout ça, c’est vraiment que des pleurs!

La mélancolie, c’est une amie,

Que j’aime pour la vie.

Elle passe par des chemins

qui ont des lendemains.

L’amitié, c’est pourtant de la tendresse

Mais en ce moment, je n’ai pas de caresses!


MAUD.