Chapitre 11


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  UNE PETITE LARME M’A TRAHIE.

                                 C’est par une trop belle journée qu’il  fallut accompagner  et soutenir la famille d’Yves et en particulier sa tante et son oncle. Ils disaient adieu à leur cher Claude. Les mots ne suffisent pas pour exprimer la douleur qu’on éprouve à assister, impuissant, à cette scène : une mère et un père se tenant debout devant le cercueil d’un fils. C’était une triste leçon pour moi qui redoutait de me séparer de Fabien, notre futur marié. Tout le temps de la cérémonie, mon ami resta à mes côtés et ses yeux semblaient me dire:

“J’ai eu ma part d’occasions de quitter cette vie, mais tu vois,  je suis encore là, près de toi.”

Au premier rang, à côté de son petit-fils, pour la dernière fois,  se tenait la pauvre grand-mère qui avait tenu à être présente. Elle n’eut pas la force de rester jusqu’au bout, on l’emporta  sur une chaise et, à la sortie de l’église chacun put aller la réconforter. Sa fille Pauline était présente, mais elle n’avait    pas l’air d’être trop affectée. J’entends encore sa voix, dans  mes oreilles: 

“La mort n’est pas une chose que l’on commande : aujourd’hui, c’est ici, demain ce sera peut-être chez vous ou chez moi !”

Je ne pris pas la peine de lui répondre; après l’avoir saluée, je partis  rejoindre mon mari et mon ami. Même Yves n’éprouva pas le besoin de rester avec elle. Au contraire, il  me dit qu’il allait  profiter de ses mini-vacances pour  m’aider aux préparatifs du mariage. Pour rien au monde, il n’aurait   raté cette opportunité. Son savoir-faire me fut utile pour la  mise en page des textes de la cérémonie que nous avions préparé avec les futurs mariés. Fabien était content de voir  que son frère adoptif était là, en cette période aussi importante pour lui.

                        Il est vrai que ce jour du 23 juin arriva trop vite. Nous n’avions prévu qu’un petit nombre d’invités et spécialement la famille, mais Fabien avait parlé longuement de son frère adoptif à sa future femme. Elle accepta qu’il se joigne à nous tous. Toute la cérémonie fut immortalisée par la camera de Rémy. Ludovic était chargé du bon fonctionnement de l’appareil photos. Tous les invités devaient être présents dans la boîte. A quatre heures du matin, chacun repartit, satisfait d’avoir partager le bonheur de mon fils et de sa jeune épouse. Pour moi, il fallait bien que je me rende à l’évidence : une page de ma vie se tournait. La seule note optimiste était qu’enfin, une fille entrait dans la famille, avec la venue de Véronique.

Avant son départ, Yves me fit une confidence: il avait trouvé dans ses relations, une charmante jeune fille qui comblait ses moments de solitude. Il précisa :

“Nous nous voyons pendant les heures de bureau. Je lui ai  parlé de toi. Mais rassures-toi, je ne lui ai rien dévoilé de notre complicité amicale. Personne ne doit être au courant de ce mystère qui s’appelle “Nous”.

 Je vis s’en aller, une fois de plus, cet ami auquel je souhaitais tous les bonheurs du monde! Cette fois, il était bien dans sa peau. L’air de la Capitale lui réussissait. Son départ coïncida avec le notre.

Les vacances me firent oublier, un peu, l’agitation de ce mois  de juin. C’est avec joie que je retrouvai nos amis, au bord de l’Océan.

L’été passa, ponctué par le courrier reçu de Paris. La présence de mon mari et son soutien me suffisaient pour combler ce vide  dû à l’absence de mes “trois” fils :

Le premier m’avait été pris par son mariage, le second par l’armée et le troisième par sa vie professionnelle. Il y avait  de quoi verser une larme, de temps en temps! Et je suis à peu près sûre que, pour eux, il en allait de même, mais quand on  est un homme, on n‘avoue pas ces émotions-là. 

Yves eut l’occasion de verser cette larme. Il dut  revenir à Saint-Germain pour un dernier remerciement, pour un ultime adieu à sa  grand-mère. Elle avait fermé les yeux sans le revoir, elle qui l’avait tant aimé.



 

MAUD.