Chapitre 10


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LA SOLITUDE... C’EST APRES.

 

                                    En ce jour du 20 mai, tous les éléments était réunit pour passer une bonne journée: nous fêtions les 20ans de mon fils aîné qui avait obtenu une permission pour venir dans sa famille. On attendit Yves jusqu’à 13 heures, en vain. J’étais d’autant plus inquiète que personne ne répondait au domicile de son oncle! C’est un appel provenant de l’hôpital qui m’avertit que mon ami avait été conduit aux Urgences, à la suite d’un malaise. Sa tante me demandait de ne pas me rendre sur les lieux tout de suite. Pour toute explication, elle me dit :

“ Le visage de Quasimodo est attrayant si on le compare à  celui de mon neveu!... Les médecins ont avancé le mot: zona! Je te tiens au courant de la situation, finis bien ta soirée d’anniversaire “.

 Sagement, j’attendis le “feu vert” pour me rendre au chevet de mon ami. C’est huit jours plus tard que j’obtins mon droit de visite. En le voyant, couché dans ce lit, vêtu de cette chemise bleue, si impersonnelle, je crus revenir en arrière. Il voulut se soulever pour paraître moins  malade. Pour seule compagnie, il avait sur sa table ma carte lui souhaitant un prompt rétablissement et un texte sur l’amitié que nous avions écrit ensemble. Il me dit :

“J’attendais que tu arrives pour me lever, je l’ai promis au kiné. Merci de t’être déplacée, toi qui as aussi des ennuis de santé, j’ai du encore te faire beaucoup de peine, involontairement, sois-en sure! Je peux dire que depuis que l’on se connaît, je t’aurais occasionné bien du tracas!” En l’embrassant, je le rassurai:

“Tout cela n’est  rien, si tu m’affirmes que tu vas mieux!” A cet instant, mon mari, qui était à côtés de moi, lui dit, sur un ton paternel :

“Allez ! Tu vas nous montrer comment tu te tiens sur tes jambes! Prends mon bras pour t’aider.”

Yves ne refusa pas cette aide, il était encore bien faible et ses premiers pas chancelants lui rappelaient ceux de son enfance, après l’accident, et il sut bien ajouter :

“Si j’avais eu la chance de vous connaître à cette époque,  j’aurai plus vite guéri !”

Tout en parlant, il arriva dans le couloir, je sentais bien que l’appui de mon mari lui était plus que nécessaire! Et je pensais  en moi-même :

“Pourquoi le sort s’acharne t-il toujours sur les mêmes? il ne demandait qu’un peu de bonheur!”

Cette nouvelle épreuve était une cicatrice de plus dans le cœur et sur le visage que le zona  n’avait pas oublié de “signer”. En le voyant marcher à petits pas, je me souvenais de ma rééducation après ma paralysie. Il fallait bien reconnaître tous ces points communs nous liaient l’un à l’autre!

De retour, dans sa chambre, il bu un verre d’eau et en reprenant son souffle, il me dit :

“Cette immobilité m’aura permit de faire le point sur ma situation actuelle. Tu te souviens lorsque ma mère me disait que je ne ferais jamais rien de positif, dans la vie. Je ne veux pas lui donner raison. Pour mon nouveau travail à Paris, je veux me surpasser et j’aurai mon nom écrit dans un magazine! C’est grâce à toi et à Rémy qui m’avez aidé par votre  présence et votre amour que j’ai remonté la pente. Je n’aurai pas assez de toute ma vie pour vous remercier. Si au moins, ma nouvelle situation me permettait de réaliser ton rêve, ma chère Maud, j’en serai heureux, tu as deviné: je fais allusion à ta robe pailletées ! Mais, ma chère amie, je voudrais que tu  me dises, pour arriver au bonheur, combien d’épines, encore, vont me piquer? Depuis celle qui, concrètement, m’est rentrée dans la chair, les autres furent, à leur manière, encore bien plus douloureuses! J’ai toujours accepté, comme on accepte  de tendre l’autre joue, en pensant qu’on le mérite. Mes expériences passées m’auront permis d’aller de l’avant et m’éviteront peut-être de retomber dans les mêmes erreurs! Je t’en prie, promets- moi, que je pourrai toujours compter sur ton aide, même à distance! Si je ne retourne pas dans un monastère, ce que j’y aurai appris me sera utile et m’aura permis de me déculpabiliser et d’avoir un objectif différent sur le comportement d’autrui “.Il m’avait dit tout cela, qu’un seul coup, comme une leçon que l’on récite à un professeur et que l’on ne doit pas interrompre. Ses yeux me fixaient dans l’attente d’une réponse. Comme une mère qui console son fils, je lui dis :

“Tu sais très bien que je serai toujours là pour toi. Dans la mesure de mon savoir, je t’aiderai ainsi que Rémy et les  garçons. Pour le moment pense à ta convalescence.”

 C’est par un froid jour de décembre qu’Yves embarqua pour Paris. Le magazine: LA VIE devint son nouveau lieu de travail.

  Au fur et à mesure de nos échanges par courrier, je comprenais combien cette “toile” que nous  avions tissée au fil de nos jours, dans le doute, l’inquiétude ou dans les fous-rires, lui était utile pour affronter toutes ses responsabilités. Sa fierté était de voir son nom inscrit dans le cadre réservé à la rédaction.  Au fond de moi, je priais pour qu’enfin, cette fois, mon ami ait trouvé sa place au soleil.                                          

En ce début d’année 1990, ma vie personnelle était bien remplie avec les préparatifs du mariage de mon fils Fabien et  le départ au service militaire de Ludo.

Je crois que, si, à ce moment -là, j’avais dû affronter un troisième souci, venant de Paris, j’aurais été beaucoup moins attentive. Malheureusement, en juin, huit jours avant le mariage, sans s’annoncer, Yves apparut devant ma porte. Le drame qui l’amenait ne le concernait pas spécialement, mais son cousin, un jeune homme venait de mourir à l’âge de 25 ans.   

                                                                          

MAUD.