LA
SOLITUDE... C’EST APRES.
En
ce jour du 20 mai, tous les éléments était réunit pour
passer une bonne journée: nous fêtions les 20ans de mon
fils aîné qui avait obtenu une permission pour venir
dans sa famille. On attendit Yves jusqu’à 13 heures, en
vain. J’étais d’autant plus inquiète que personne ne
répondait au domicile de son oncle! C’est un appel
provenant de l’hôpital qui m’avertit que mon ami
avait été conduit aux Urgences, à la suite d’un
malaise. Sa tante me demandait de ne pas me rendre sur les
lieux tout de suite. Pour toute explication, elle me dit :
“
Le visage de Quasimodo est attrayant si on le compare à
celui de mon neveu!... Les médecins ont avancé le
mot: zona! Je te tiens au courant de la situation, finis
bien ta soirée d’anniversaire “.
Sagement,
j’attendis le “feu vert” pour me rendre au chevet de
mon ami. C’est huit jours plus tard que j’obtins mon
droit de visite. En le voyant, couché dans ce lit, vêtu
de cette chemise bleue, si impersonnelle, je crus revenir
en arrière. Il voulut se soulever pour paraître moins
malade. Pour seule compagnie, il avait sur sa table
ma carte lui souhaitant un prompt rétablissement et un
texte sur l’amitié que nous avions écrit ensemble. Il
me dit :
“J’attendais
que tu arrives pour me lever, je l’ai promis au kiné.
Merci de t’être déplacée, toi qui as aussi des ennuis
de santé, j’ai du encore te faire beaucoup de peine,
involontairement, sois-en sure! Je peux dire que depuis
que l’on se connaît, je t’aurais occasionné bien du
tracas!” En l’embrassant, je le rassurai:
“Tout
cela n’est rien,
si tu m’affirmes que tu vas mieux!” A cet instant, mon
mari, qui était à côtés de moi, lui dit, sur un ton
paternel :
“Allez
! Tu vas nous montrer comment tu te tiens sur tes jambes!
Prends mon bras pour t’aider.”
Yves
ne refusa pas cette aide, il était encore bien faible et
ses premiers pas chancelants lui rappelaient ceux de son
enfance, après l’accident, et il sut bien ajouter :
“Si
j’avais eu la chance de vous connaître à cette époque,
j’aurai plus vite guéri !”
Tout
en parlant, il arriva dans le couloir, je sentais bien que
l’appui de mon mari lui était plus que nécessaire! Et
je pensais en
moi-même :
“Pourquoi
le sort s’acharne t-il toujours sur les mêmes? il ne
demandait qu’un peu de bonheur!”
Cette
nouvelle épreuve était une cicatrice de plus dans le cœur
et sur le visage que le zona
n’avait pas oublié de “signer”. En le voyant
marcher à petits pas, je me souvenais de ma rééducation
après ma paralysie. Il fallait bien reconnaître tous ces
points communs nous liaient l’un à l’autre!
De
retour, dans sa chambre, il bu un verre d’eau et en
reprenant son souffle, il me dit :
“Cette
immobilité m’aura permit de faire le point sur ma
situation actuelle. Tu te souviens lorsque ma mère me
disait que je ne ferais jamais rien de positif, dans la
vie. Je ne veux pas lui donner raison. Pour mon nouveau
travail à Paris, je veux me surpasser et j’aurai mon
nom écrit dans un magazine! C’est grâce à toi et à Rémy
qui m’avez aidé par votre
présence et votre amour que j’ai remonté la
pente. Je n’aurai pas assez de toute ma vie pour vous
remercier. Si au moins, ma nouvelle situation me
permettait de réaliser ton rêve, ma chère Maud, j’en
serai heureux, tu as deviné: je fais allusion à ta robe
pailletées ! Mais, ma chère amie, je voudrais que tu
me dises, pour arriver au bonheur, combien d’épines,
encore, vont me piquer? Depuis celle qui, concrètement,
m’est rentrée dans la chair, les autres furent, à leur
manière, encore bien plus douloureuses! J’ai toujours
accepté, comme on accepte
de tendre l’autre joue, en pensant qu’on le mérite.
Mes expériences passées m’auront permis d’aller de
l’avant et m’éviteront peut-être de retomber dans
les mêmes erreurs! Je t’en prie, promets- moi, que je
pourrai toujours compter sur ton aide, même à distance!
Si je ne retourne pas dans un monastère, ce que j’y
aurai appris me sera utile et m’aura permis de me déculpabiliser
et d’avoir un objectif différent sur le comportement
d’autrui “.Il m’avait dit tout cela, qu’un seul
coup, comme une leçon que l’on récite à un professeur
et que l’on ne doit pas interrompre. Ses yeux me
fixaient dans l’attente d’une réponse. Comme une mère
qui console son fils, je lui dis :
“Tu
sais très bien que je serai toujours là pour toi. Dans
la mesure de mon savoir, je t’aiderai ainsi que Rémy et
les garçons.
Pour le moment pense à ta convalescence.”
C’est
par un froid jour de décembre qu’Yves embarqua pour
Paris. Le magazine: LA VIE devint son nouveau lieu de
travail.
Au
fur et à mesure de nos échanges par courrier, je
comprenais combien cette “toile” que nous
avions tissée au fil de nos jours, dans le doute,
l’inquiétude ou dans les fous-rires, lui était utile
pour affronter toutes ses responsabilités. Sa fierté était
de voir son nom inscrit dans le cadre réservé à la rédaction.
Au fond de moi, je priais pour qu’enfin, cette
fois, mon ami ait trouvé sa place au soleil.
En
ce début d’année 1990, ma vie personnelle était bien
remplie avec les préparatifs du mariage de mon fils
Fabien et le
départ au service militaire de Ludo.
Je
crois que, si, à ce moment -là, j’avais dû affronter
un troisième souci, venant de Paris, j’aurais été
beaucoup moins attentive. Malheureusement, en juin, huit
jours avant le mariage, sans s’annoncer, Yves apparut
devant ma porte. Le drame qui l’amenait ne le concernait
pas spécialement, mais son cousin, un jeune homme venait
de mourir à l’âge de 25 ans.
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