CHAPITRE PREMIER.

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CETTE   ANNEE - LA ...


Le  monde  pleurait  Marilyn. 

Les  premiers  brouillards  de l'automne  engourdissaient  la nature,  le vent hurlait dans les arbres.

Dans  une  maternité,  sous  le  regard  glacial de sa mère, un enfant  poussait  son  premier cri. On  était  le  15  novembre  1962.

 Jamais  les  pleurs  d'un  bébé  n'avait  été  aussi  stridents, comme si déjà il était sur la défensive en face    de la vie. D'ordinaire  quand  une  famille  est  composée  de  deux  grands -mères, d'un  père, d'une  mère et de deux frères, c'est  déjà  un  joli  cercle  de  famille. Hélas, pour  le nouveau-né, il n’avait pas de place dans sa famille. Les neufs mois  d'attente  avaient  par trop  courts  à sa mère pour  pouvoir s'organiser.

 Cette troisième  maternité  ne  lui  avait  pas  apporté  cette  maturité  nécessaire  pour  donner de l'amour à un enfant. Les deux  fils  aînés eux aussi  avaient  grandi  sans caresses,  chez une nourrice déjà débordée par ses occupations journalières.

Quand  elle  regardait  le  berceau,  cette  mère ne  pensait qu'aux  problèmes  que  cette  naissance  avait  occasionnés. C'est  finalement,  la  grand-mère  maternelle  qui  prit  la  responsabilité  d'élever  ce  bébé  innocent et  sous  un  ciel  gris,  le “colis” lui fut remis.  Voyant l'air  tout  à  fait  désintéressé de sa  fille, Madame  PEYRARD  lui  dit :

" En  me  laissant  ton  petit  ne  crois  pas  que  tu  vas  fuir  toutes  tes  responsabilités. Je  te donne  deux  mois  pour  retrouver  ton  équilibre. J'estime  que  moi,  j'ai  rempli  mon  devoir  de mère  suffisamment."  Pauline prit  cette  phrase  comme  un  reproche.  Sans  embrasser  personne,  elle  tourna  les  talons.  Arrivée  chez  elle, elle vit René,  son  compagnon; il était dans  l’escalier, une  serpette  à  la  main. En  la  voyant,  il  lui  dit :

" Je  reviens  du  jardin,  j'espère  que  les  fleurs  seront    belles,  cette  saison.  Heureusement  elles  me  donnent   entière  satisfaction, elles! " Il parla des fleurs de son jardin   mais ne prononça pas un mot quant à l'absence du nouveau-né. Les  jours  et  les  mois  passèrent  pour  ces  parents  sans  enfants. Loin  d'eux, Yves  grandissait  dans     une atmosphère morose. Il ignorait qu'on pouvait  souhaiter une fête, célébrer un anniversaire. Toutefois sa grand-mère  était attentive à son égard, parfois même elle lui caressait les cheveux. Elle se rendait compte que l'affection  maternelle manquait au petit qui guettait souvent, au coin de  la rue, une silhouette qui serait celle de sa maman...fort oublieuse!

Il  passait  ses  journées  à confectionner  une “ boite à musique” en utilisant quelques bouts de bois et du plastique.   Le regard  attentionné de sa grand-mère  l'aidait  à  penser  au  lendemain. Au village,  les  commerçants  attendris par son sourire   enfantin  lui offraient une sucette  ou  une  brioche. Ces quelques manifestations de gentillesse n’apaisaient pas la soif d'amour du bambin. Il s'était crée son petit univers en installant un vieux nounours et des quilles qui faisaient les spectateurs de son divertissement. Pendant des heures, il leur parlaient en jouant le “Monsieur Loyal” d’un grand cirque. Il avait déchiré dans  un magazine, des photos de jolies dames bien coiffées et bien habillées qu’il appelait: “maman”. 

 

MAUD.