Sa passion à la dérive



Il y a un an, Marc n’aurait pas donné sa place à personne, devant cette table où il dédicaçait son livre. Il était fier au côté de son éditeur. 
Pendant qu’autour de lui se pressait la foule, il pensait à cette nouvelle vie que lui offrait les Éditions « A. S. » Des romans, il en avait écrit beaucoup.

Tel un magicien, il jonglait avec les mots, les phrases pour en faire les plus belles des histoires.

Il se rappelait de cet homme qui l’avait exploité quatre ans auparavant en lui demandant d’écrire roman sur roman.

C’est comme cela que Marc s’enfermait des journées entières dans sa chambre pour terminer en temps voulu le roman qui mettrait, par ces gros caractères, en valeur la maison d’édition.
 Marc serait resté dans cet engrenage, si un jour, il n’avait pas rencontré Monsieur Jouvet. Dès leur première conversation, le jeune romancier sentit que son interlocuteur le plaçait sur un piédestal. 
Il lui fit miroiter les avantages qu’il obtiendrait avec lui, s’il se rendait plus disponible.

Euphorique, Marc n’hésita pas, alléché par cet proposition. 
Il en fit part à sa femme et à quelques amis pour qu’ils partagent sa joie. Le lendemain, il se rendit au local “A.S.” où une hôtesse l’accueillit et le dirigea vers le directeur.

Après quelques pas dans les couloirs aux couleurs rouges et jaunes, pour se familiariser avec son futur univers, notre ami se vit remettre les clés d’un bureau qui serait désormais, le sien. La réalité dépassait largement ses rêves. 
Il ignorait qu’il était en train de vivre le début d’une ascension qui allait vite le conduire au... néant.

En effet, derrière ce “tape à l’œil” se cachait les problèmes d’une société plongée dans des ennuis financiers et administratifs, les plus complexes.

Marc se lança dans de folles dépenses avec cet argent qu’il recevait de son employeur, sans scrupules.

Malgré les sages raisonnements de sa femme, Marc continuait à dépenser son argent, si facilement gagné.

Après cette séance de dédicace pour son livre : ”FLASH DANS LE CŒUR”, Marc ressentit un relâchement de sympathie de la part de son patron.

Il lui demanda, comme l’autre, d’activer la cadence pour l’écriture des prochains manuscrits. Sans aucune augmentation pour les efforts fournis. Sa femme le mit en garde. Elle avait peur pour sa santé. Marc avait des œillères et travaillait de plus belle, négligeant aussi, ses enfants et ses amis. Il était devenu agressif et absent pour tout ce qui touchait le domaine familial. Il fallut bien qu’il se rende à l’évidence, quand il vit que les primes étaient supprimées et tout cet artifice qu’il avait connu autour de lui, jusqu’à maintenant. Au bout du troisième mois, ce fut la paye entière qui lui fut défalquée. Monsieur Jouvet ayant des retards de comptabilité, en faisait “profiter” ses employés. Quand Marc réalisa que sa femme et ses amis avaient eu raison devant cette “poudre aux yeux” c’était trop tard. Les copains n’étaient plus là pour le soutenir et lui donner des conseils trop souvent rejetés. Nicole, la pauvre épouse dut être hospitalisée : A force de jouer avec ses nerfs, elle avait craquée. 
C’est dans un détachement total que Marc accepta cette situation. Il ne pensait qu’au répit que lui apporterait cet éloignement. Face à cette situation, Marc se dirigea dans le bureau de la direction pour avoir un entretien. La conversation s’engagea sérieuse et la conclusion insolente du patron retentit comme une gifle :

“Cher ami, si votre situation ne vous satisfait plus, je ne vous retiens pas. Un pseudo... est vite inventé !”

A ce moment, Marc eut l’impression que le sol qui était sous ses pieds allait s’ouvrir. Lui qui avait sacrifié sa vie privée à sa passion était en train de se dérober. Il réalisait qu’il avait été le pantin d’un homme qui avait profité de sa crédulité et de l’amour de son métier pour l’enfoncer et l’entraîner dans sa déchéance. Comme un acteur qui sort de scène, Marc fit demi-tour, laissant derrière lui les publicités commerciales qui avaient été sa fierté. Dans la rue, anonyme, notre romancier déchu, croisa des couples qui manifestaient leur joie de vivre. Pour lui qui n’était attendu par personne, quelle direction allait-il prendre ? Peut-être l’avez-vous croisé, sur les bords du fleuve, il y a six mois… un mois ou …hier ?

Mais où est-il aujourd’hui ?

Monsieur Jouvet, cela ne vous empêche-t-il pas de...Dormir ?

 

Maud Duarig

 


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dans mon livre d'or