NOSTALGIE A DEUX.





Devant la cheminée qui crépite, Daniel pense à ce rude hiver de l'an dernier où en voulant faire partager sa nostalgie, il faillit perdre son amour; heureusement, aujourd’hui retrouvé. 
Il était huit heures quand, ce jour-là, Daniel entra dans un bar pour boire un grog.
Le froid le faisait trembler, lui qui jusqu'à maintenant n'avait connu que les hivers méridionaux. Il avait été obligé de monter à Paris pour ses études. 

Et bien qu’il soit un brillant élève, il ne s'était pas habitué à la vie trépidante de la capitale. Assis au fond du bar, il buvait sa boisson chaude en pensant au village qu’il avait quitté. Parmi les clients, il avait remarqué une jeune fille seule, au regard triste; Il se rappela l'avoir croisé dans les couloirs de la “fac”. Pour Daniel, c’était l'occasion de lui proposer une invitation. Il commença par se diriger vers le téléphone et au retour, après une brève présentation, il demanda à la jeune fille de partager la même table. Elle accepta et très vite, il engagèrent une conversation des plus décontractée. Daniel parlait de son pays natal qui réchauffait ces deux cœurs. Florence qui n'avait jamais quitté la région parisienne fut transportée, par la description de son voisin, au milieu des champs de lavande, au pays des cigales. Hélas, il fallut que nos jeunes gens se séparent. Ils se promirent de continuer leur conversation entre les cours.

Au début du printemps, nos deux adolescents décidèrent de partager le même studio, pour abriter leur idylle. 

Florence était folle de joie, à l’idée de se rendre dans le Midi de son cher Daniel, aux prochaines vacances. 

Pour donner plus d’ampleur à leur bonheur, ils décidèrent de se fiancer, avant leur départ. Tous les soirs, Daniel apportait un petit détail sur son village pour mettre Florence dans cette ambiance méditerranéenne. 

Leur budget d’étudiants ne leur permettait pas de s’acheter une automobile.
 Il avertit sa compagne en lui disant de prévoir de bonnes chaussures pour faire les trajets du village à la maison.

 A ces mots, le visage de Florence commença à s’assombrir. Elle qui avait l'habitude d'avoir tous les commerces accessibles. Son doux compagnon la rassura en lui disant 
combien il sera agréable de se réveiller avec le chant des oiseaux; que ce sera un plaisir de revenir avec les provisions en ayant traversé les champs et les sentiers.

 Après ces paroles réconfortantes, ils quittèrent la ville sous une pluie battante et 
se dirigèrent vers la gare où le train les emporterait au pays du soleil. Pendant que défilait le paysage, Daniel enivrait Florence de ses souvenirs d’enfance. Au fur et à mesure de l’approche du village, notre jeune paysan était de plus en plus joyeux à l’idée de revoir ses chers parents et de leur présenter leur future belle-fille. 

Les derniers kilomètres s’effectuèrent en car, au milieu de la campagne baignée par les rayons du soleil. Quand ils descendirent du véhicule, Daniel prit la main de sa compagne en signe d’encouragement pour le reste du chemin qu’il leur restait à faire... à pied. 

En traversant le village d’ Hauteville, notre jeune homme énumérait par cœur le nom de chaque résident des rez-de-chaussée, en distribuant des “Bonjour”. Avec fierté, il montra l'unique boutique où étaient réunis la boulangerie, l’épicerie et le bar. 

Pour Florence ce fut une surprise mêlée d’une grosse déception. Ils poursuivirent leur chemin dans un sentier rocailleux où notre jeune citadine se tordait les chevilles. Ce n'était pas pour arranger son moral. A cet instant, tout ce qui remplissait le cœur de joie de Daniel, devenait un cauchemar pour Florence.

L’accueil fut pourtant des plus chaleureux de la part des parents, mais l’immensité de la pièce n'était pas pour la mettre à son aise. En prenant place autour de la table, assise sur un banc, devant l’énorme couronne de pain et le pichet de terre, elle ne fut pas très rassurée sur le raffinement de la “cuisine”.

 Elle cherchait des yeux parmi les meubles rustiques qui remplissaient la pièce, l’indispensable poste de télévision qui règne dans tous les foyers, mais pas... ici! 

Elle participa un peu à la conversation, tout en remarquant le visage ridée de la maîtresse de maison. Après le dessert, Daniel demanda à son père de l’accompagner dans les champs. Tout heureux, il revêtit une salopette et une chemise à carreaux rapiécées.

 Il n'avait pas prévu la réaction de Florence qui allait se retrouver seule. La maman essaya de la distraire en lui montrant l’étable avec les petits veaux, mais même le repas des lapins la laissait indifférente. Quand ils se retrouvèrent tous les deux, dans l'ancienne chambre que Daniel occupa jusqu'à son départ pour Paris, Florence expliqua sa peine:
“Crois bien que je ne veux pas te priver de ce qui fait ton bonheur, mais jamais je ne pourrais m’habituer à cette vie campagnarde. Je me sens inutile envers ta maman. Elle a été charmante, mais loin de toi toute la journée, je me suis ennuyée! Je préfère repartir seule, à Paris.” Daniel avait écouté sa bien-aimée avec beaucoup d’attention. Jamais il n'aurait pensé qu’elle soit autant déçue. Il lui proposa de repartir dès le lendemain matin, avec elle. Mais Florence ne changea pas d’avis et voulut repartir, seule! Aux premiers rayons du soleil, Daniel vit Florence préparer sa valise. Il s’approcha d’elle et lui dit: “Laisse-moi jusqu’à la fin de la semaine pour expliquer à mes parents la raison de ton départ. Ils ne vont pas comprendre. Papa compte sur moi pour le travail commencé dans les champs.”

Sans répondre, La jeune fille descendit saluer les vieux parents, en les remerciant, elle leur dit qu’une mission urgente l’attendait à Paris, avant la rentrée de septembre. 

Arrivée dans la capitale, Flo pensait qu’au même moment, son amour devait revenir des champs. Florence comprit sa sottise, quand elle pénétra dans son coquet petit intérieur où déjà six mois de souvenirs en commun, s’étaient accumulés. Elle se mit à sangloter, elle ne se doutait pas qu’au même moment, Daniel essuyait une larme en réalisant le vide provoqué par l’absence de son cher amour. Elle vécut un calvaire pendant quatre jours et quatre nuits, pensant qu’elle aurait bien pu avoir un peu de patience pour rester à la campagne avec son fiancé. L’animation des rues la révoltait, elle qui croyait ne pas pouvoir vivre sans elle! Ce qui la consolait, c’était de savoir que Daniel serait obligé d’être présent, à la reprise des cours.

Le lendemain quand Florence entendit le bruit de la clé dans la serrure, elle se précipita à la porte pour accueillir son amour. Dans un sanglot, elle se blottit dans ses bras, en lui disant:

“ Aux prochaines vacances, je voudrais m’appeler madame Daniel Hertz et c’est le village de Hauteville qui en sera le témoin. Es-tu d’accord, mon amour? Pardonne-moi pour le mal que je t’ai fait.”

Pour toute réponse, notre heureux fiancé posa un baiser sur les joues mouillées de sa future épouse.

Depuis cette douce déclaration, dix mois se sont écoulés. 

Pour des raisons professionnelles, nos jeunes mariés vivent toujours à Paris. Mais, dans un petit coin de Provence, une maison sort de terre: Celle qui abritera leur futur bonheur...

A trois. 



                                                    MAUD.




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