Il y a un an,
les coulisses du théâtre étaient en effervescence, car on fêtait
la 50 ème représentation d’une pièce mélo-dramatique,
jouée par une troupe de comédiens régionaux.
Sur l'affiche, qui mettait en valeur notre héros, rien n'était exagéré:
Ses traits étaient
fins et sa douceur se lisait sur son visage.
Parmi les
spectatrices,
Fabienne n’avait pas été la dernière à remarquer, ce jeune premier.
Depuis le début, elle n’avait pas manqué une séance.
Elle savait les moindres détails du décor et aurait pu donner la réplique
à son idole, sans se tromper, d’une virgule.
De plus, depuis quelques temps, sa vie avait changé, car lors
d’une représentation,
son regard avait croisé celui de son “héros”,
dans le couloir des loges.
Les jours suivants,
ils avaient échangé, un “Bonjour”, il lui avait signé, un
autographe, qu’elle gardait précieusement.
Depuis, ce jour, toutes les fois que Simon entrait sur scène,
il jetait un coup d’œil sur la place occupé par son admiratrice.
Il savait que c’était le strapontin numéro 7.
Elle lui avait dit qu’elle aimait le monde artistique et qu’elle
aurait aimé, une fois, monter sur scène à côté d’un comédien.
C’est, depuis ce
jour que Simon avait eu l’idée d’installer dans son décor, un
banc où 4 ou 5 figurantes restaient tout au long du spectacle.
ça
les rendaient heureuses et ça leurs permettaient
de garder un bon
souvenir de leur soirée.
Il avait prévu, la présence de Fabienne pour le dernier soir,
c’était sa surprise et son cadeau pour la 50 ème.
Hélas, au moment où le rideau se leva, malgré une salle pleine à
craquer,
une place était vide, celle de Fabienne!
Un seul regard suffit
à notre comédien pour s’apercevoir de cette absence,
il ne comprenait pas pourquoi,
lui qui se faisait une joie au
plaisir d’inviter son admiratrice.
Il fallut pourtant bien démarrer le texte, le public était là.
Contrarié et ému, Simon commença son monologue, où, justement dans
la pièce,
il attendait une jeune fille.
Dès, les premières syllabes, il bredouilla, trébucha sur plusieurs
mots. Sa partenaire n’y comprenait rien, lui d'habitude, si
“professionnel”.
Sans figurantes, le
spectacle se déroula jusqu'à la fin.
Il était prévu que les représentations
durent tant qu’il y aurait des demandes et les réservations étaient
complètes, encore, pour dix jours.
Pourtant, pendant les
applaudissements,
Simon salua son public et, tout en s’avançant pour être plus prêt
de son auditoire, qui était debout pour l’ovationner, il dit:
“VOUS VENEZ D’ASSISTER
A LA DERNIERE DE :
"LA LARME DU
NUAGE" ET, MOI AUSSI,
C’EST AVEC UNE LARME AU COIN DE L’ŒIL QUE JE VOUS DIS:
"AU REVOIR",
DEMAIN, JE SERAI DANS UNE AUTRE VILLE. MERCI.”
A ce moment, les
applaudissements redoublèrent.
Mais, notre comédien se retira, après avoir longuement salué.
Son esprit était centré sur Fabienne, il ne comprenait
toujours pas cette absence.
Dès son arrivée dans sa loge, il ferma la porte et demanda à ne pas
être déranger.
Ce soir, il ne signerait pas d’autographes et il n’irait pas
boire le verre de l'amitié.
Parmi, les fleurs et les télégrammes, posés sur son secrétaire, se
détachait une enveloppe rose, comme pour mieux attirer l’attention
. C’est ce qui arriva car, Simon prit son coupe-papier et put lire,
ces mots :
“SIMON, QUAND VOUS
LIREZ MA LETTRE, VOUS AUREZ DIT ADIEU A
VOTRE PUBLIC.
A MA FACON, MOI AUSSI, JE VIENS VOUS DIRE ADIEU.
DANS
VOTRE PIECE, QUAND LE RIDEAU SE FERME, LA VIE CONTINUE, PAS POUR MOI!
PUISQUE PERSONNE NE M’A COMPRIT, JE PRÉFÈRE EN FINIR AVEC LA VIE!
J’AURAI VOULU UNE
SEULE FOIS, POUVOIR ETRE A VOS COTES, VOUS N’AVEZ PAS SU COMPRENDRE,
C’EST TROP TARD.
J’AURAI AIME AVOIR MON NOM ECRIT PRES DU VOTRE,
TANT PIS.
MAIS, DEMAIN, IL PARAITRA AUSSI, SUR LE JOURNAL..... A UNE
AUTRE RUBRIQUE!
BONNE CHANCE.
VOTRE INCONDITIONNELLE
ADMIRATRICE :FAFA.
Les yeux pleins de
larmes, Simon replia la lettre, en l’embrassant.
Il sortit de sa
loge et sans rien dire à ses amis de la troupe, il entra à son hôtel.
Toute la nuit, il eut le visage de Fabienne devant lui qui lui disait:
“Pourquoi,
faisais-tu monter les autres à côté de toi et pas moi !
Dès le lever du jour,
notre pauvre ami,
se fit monter les journaux pour lire les critiques
du spectacle:
On regrettait
l’annonce qui mettait fin à cette manifestation théâtrale.
Simon, prit une paire de ciseaux, et, d’une main tremblante, découpa
l’article.
Quand Simon retourna la feuille, il put lire, de l’autre côté:
“HIER, A 23 HEURES,
LES POMPIERS ONT RETIRES DU CANAL, LE CORPS D’UNE JEUNE FILLE:
FABIENNE H. UNE ENQUETE EST OUVERTE.”
Simon n’en croyait
pas ses yeux. Pourquoi fallait-il que leur destin s’arrête, ainsi?
Depuis, ce triste
jour, notre ami a reprit sa vie de saltimbanque, mais dans toutes les
salles, sous tous les chapiteaux où il se produit,
il demande que... le
strapontin numéro 7 reste... LIBRE !
MAUD.